Pourquoi on aime tant les histoires?

Commençons avec les enfants. Pourquoi veulent-ils se faire raconter la même histoire très souvent? Ils se rappellent les émotions ressenties à la lecture d’un conte et veulent les revivre. Si par malheur vous changiez un seul mot ou sautiez une page, ils vous reprendront car leur mémoire fonctionne à plein régime et ils éprouvent du plaisir à savoir parfaitement ce qui s’est passé. Plus tard, ils lisent des romans, regardent des films ou des séries et en redemandent!

Pourquoi l’univers imaginaire nous intéresse-t-il autant? Parce que les histoires parlent de nous, nous font vivre des émotions et répondent à nos désirs. Les histoires compensent, nous divertissent, nous renseignent. Nous nous voyons aimés à travers un personnage, ou puissants dans une autre vie inventée. Nous comprenons quelqu’un en suivant sa peine, ses efforts, sa détermination et aimerions l’aider. Dans un roman policier, nous cherchons à démasquer le coupable, nous participons à l’enquête.

Dans chaque histoire, un événement crée une situation problématique. Le personnage principal a un but, mais des difficultés se présentent pour l’empêcher de l’atteindre. La course à obstacles commence et les complications s’accumulent.  Pour que des personnages suscitent un grand intérêt, ils doivent avoir une force de caractère et des valeurs humaines importantes. Nous devons pouvoir les suivre, voir ce qu’ils font, comment ils évoluent et arrivent (ou non) à leurs fins.

Nous aimons les histoires qui nous forcent à déduire des choses, mais il ne faut pas que ce soit trop compliqué, pour ne pas perdre l’intérêt et empêcher la compréhension. Dans un livre, l’histoire suit une logique. Ça nous rassure, car ce n’est pas habituel au quotidien.

Comprendre les agissements des personnages peut se comparer à comprendre les comportements des personnes dans la vraie vie. Lorsqu’un événement arrive, un imprévu, un accident, une maladie, en parler aide à passer au travers. Ce peut être un événement heureux qui nous fait rêver à la même chose. Notre histoire ou l’histoire des autres fait partie des plus beaux partages, car on s’ouvre au monde, à ceux et celles que nous ne connaissons pas.

« Tous les chagrins sont supportables si on en fait un conte ou si on les raconte » 

Isak Dinesen, poétesse danoise citée par Hannah Arendt in La condition de l’homme moderne, Press Pocket, 1983 ; p. 231

En allant un peu plus loin, les histoires aident à développer notre intelligence émotionnelle. Voici la définition qu’en fait Salovey et Mayer (1990) :

Elle consiste en « l’aptitude à percevoir, évaluer et exprimer avec exactitude l’émotion ; à accéder et/ou générer des sentiments quand ils éludent la pensée ; à comprendre l’émotion et la connaissance émotionnelle ; et à réguler les émotions pour promouvoir la croissance émotionnelle et intellectuelle ».